Entrepreneurs Forever 2014

Philippe Poulachon


Dirigeant fondateur de Byzance et Bellota-Bellota

Il entend partager ses émotions gustatives avec le monde entier.


« J’aime l’improbabilité des choses, comme l’ouverture d’un concept espagnol à Hong-Kong par un bourguignon cévenol. » Quand certains s’appliquent à donner du sens à leur existence, Philippe Poulachon s’est laissé emporter par ses cinq sens, des vins du beaujolais aux jambons ‘’Bellota’’ qui font son bonheur et son succès.

Epicurien, il rêve son avenir dans un village du sud-est de la France, entre nature farouche et douceur méditerranéenne. Dans une famille où l’on déguste les grands crus, il apprend ‘’le nez et le bec’’, en même temps que la géographie des terroirs.

Souhaitant concilier travail et plaisir, il débute en 1986 comme directeur export chez Georges Duboeuf, le ‘’créateur’’ du Beaujolais. « Il m’a tout appris, le nez au dessus d’un verre : la générosité, la relation étroite avec la haute gastronomie, le marketing des produits fins, la mise en scène, la fidélité, le professionnalisme excessif... »

J’ai découvert chez le chef Ferran Adria, d’ElBulli, à Barcelone, un extraterrestre de la gastronomie. Il a inventé le Linux de la cuisine. La transmission pour moi, c’est plutôt Linux qu’un logiciel payant : cela m’évoque le partage joyeux et fertile des connaissances et exclut toute jalousie ou peur de perdre quelque chose.

Lors d’un salon professionnel, il rencontre la société Caviar House, leader mondial de l’importation de caviar sauvage. Il crée la filiale française et devient le plus gros opérateur en France dans le circuit professionnel. « C’était une première expérience de l’entrepreneuriat, sans le risque de l’actionnaire. Le risque était plutôt que mon esprit d’indépendance finisse par déplaire ! »

L’indocile hédoniste confie sa difficulté à trouver du bon jambon italien à un chef ami, qui lui vante le jambon cru espagnol. Il s’envole ‘’en el acto’’ pour Madrid. « J’ai été reçu comme un chien dans un jeu de quilles, mais je goûte... et je tombe par terre ! Ce fut un coup de foudre gustatif. »

Il fonde Byzance en 1995, pour diffuser auprès de ses anciens clients caviar, saumon fumé et ce fameux jambon ‘’bellota’’– cochons nourris aux glands de chêne durant 17 mois et affinage de cinq ans—, encore interdit à l’exportation un an plus tôt.
Alors qu’il est le seul à y croire, il apprend l’espagnol et multiplie les pérégrinations pour dénicher des fournisseurs à la hauteur de ses projets.

Il se remémore ses cours de stratégie quand, en 1998, une convention internationale soumet à quotas l’esturgeon sauvage. « J’ai anticipé l’interdiction, au profit de l’élevage. La diversification devenait indispensable. Le jambon ibérique pouvait devenir un produit de luxe, quand les produits comme le caviar, le saumon et le foie gras se banaliseraient. »

Philippe Poulachon ouvre une boutique- restaurant au cœur de Paris. « Le produit est monstrueusement cher, monstrueusement gras, à l’époque inconnu. Je ne connaissais rien au détail, mais l’accueil de ce magasin monomaniaque a été exceptionnel. »

Le concept prend forme, faisant de Bellota-Bellota une marque et un univers, avec son manifeste d’émotion gustative. « Le chef est le produit. Nous avons créé une école de tranchage et une assiette pour présenter à bonne température les pétales de jambon. »

L’enseigne regroupe aujourd’hui huit points de vente (dont trois à Hong-Kong et un... à Lyon !), où d’autres saveurs du patrimoine espagnol côtoient le jambon. « Je recrée pour mes clients l’émotion originelle que j’ai connue ; je la revis dans l’œil de l’autre ; je reçois ce que j’ai donné. »

Pour Philippe Poulachon, le bon sens est de porter son rêve plus loin. « On a de quoi faire le show, réaliser le potentiel du groupe de New-York à Tokyo, car le futur du luxe est aussi (et surtout ?) dans l’alimentaire. »
Il apprend, avec ses amis, Pierre Hermé, le virtuose du macaron, et Bruno Bonnell, Président d’EMLYON , et voisin de sa bergerie des Cévennes.


EM Lyon : Grande Ecole 1984
Traduction anglaise : Carole Bausor, ILTC
Date de parution : 12/09/14