« Ma carrière est tout sauf uniforme ! » reconnaît Alexandra Isvarine, docteur en biologie reconvertie dans l’apiculture biologique. Sa trajectoire professionnelle comporte ses mystères, comme en recèle encore le vol millénaire des abeilles.
Alexandra Isvarine après son MBA fait son chemin dans l’industrie pharmaceutique. « Et pourtant, j’étais une ‘’ni-ni’’, ni pharmacien, ni médecin ! » Des grands groupes de la santé, elle connaît le bruit de ruche des organisations matricielles, le bourdonnement des rachats et des fusions, l’aiguillon des contraintes règlementaires. « C’est un des secteurs les plus exigeants, en termes de qualité, modèle économique, communication. Une belle école de la rigueur et de l’excellence. »
En 2005, elle entre au comité de direction de la filiale française de 3M Santé, comme directrice du Support Marketing Vente. Une réorganisation des activités sonne la fin de sa vie de cadre. « On m’a alors encouragée à faire du réseau et à créer mon entreprise, mais je dois reconnaître que je n’étais pas préparée à cela. J’ai traversé une période vraiment difficile, de remise en cause professionnelle et personnelle. »
J’ai fait des choix professionnels très libres, en accord avec mes valeurs, pour vivre là où je me sens le mieux. Ma liberté consiste aujourd’hui à choisir la nourriture de mes abeilles pour produire la meilleure des gelées royales. Ce n’est pas facile, mais ce n’est pas parce que c’est difficile que je n’aime pas ma vie dans mes collines.
Des amies la poussent à réaliser un vieux rêve, de ceux que l’on invoque sans trop y croire pour surmonter des frustrations passagères. « Je n’avais plus rien à perdre, j’ai rempli ma voiture et je suis partie pour Athènes, avec le projet d’ouvrir un restaurant quelque part en Grèce. » Elle prend à son arrivée des cours de grec intensifs et passe la saison touristique en Crète, pour tenir une galerie d’art dans un hôtel de luxe.
C’est là qu’elle rencontre un crétois apiculteur. « Un vrai métier de compréhension de la vie de l’abeille. J’ai retrouvé tout un pan de ma vie de biologiste, le travail avec le vivant, l’observation. Mais le plus dur, c’est d’apprendre ce métier en crétois ! »
L’apprentissage dure quatre ans, à l’issue desquels Alexandra Isvarine décide de se former à l’élevage de reines pour produire de la gelée royale. « Je suis revenue pour six mois en France, sans contacts dans la filière. C’était vraiment quitte ou double. »
En regardant une émission sur Arte, elle remarque un chercheur de l’INRA d’Avignon spécialiste des abeilles et l’appelle. « Grâce à lui et à ma formation, j’ai pu faire du réseau. J’en ai enfin compris la signification : rencontrer des gens dans l’objectif précis de faire avancer son projet ! J’ai dormi dans des campings à la ferme, j’aurais marché sur les mains pour apprendre ! »
Après six mois sur les ruchers, elle retourne en Grèce une saison, puis en 2012 décide finalement de s’installer dans les collines de la Drôme.
Alexandra Isvarine est une abeille très travailleuse : intégration à l’environnement local, exploitation, démarche Qualité, création de sa marque Goutte de Soleil, packaging, outils de communication, innovation, ventes etc., elle gère tout.
En 2013, le Prix Force Femmes vient distinguer son initiative. « C’est vital de se sentir comprise et soutenue. L’équipe EMLYON Forever m’a donné de nombreux contacts. J’ai eu un appui exceptionnel d’une amie de promotion, Laurence Faller, disparue brutalement en 2014 ; l’une des meilleures viticultrices de vin blanc au monde. Elle m’a encouragée et financée indéfectiblement. Elle me manque terriblement, je pense à elle chaque jour.»
Avec le printemps, Alexandra Isvarine vient d’ouvrir ses ruches. La récolte des premiers grammes de sa gelée est imminente… Elle est heureuse d’avoir donné du sens à sa science.
EM Lyon : MBA 1992 Traduction anglaise : Carole Bausor, ILTC Crédit photo : Nora Cherrati Date de parution : 01/06/15